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SHOAH EN MEMOIRE
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3 mai 2010

Max (1874-1944) et Sarah (1880-1941) : biographies

Nous les avons découverts par hasard aux ADLA.

Max Bernard  habite Ancenis, 47 rue Saint Paul (ruelle jouxtant l’église Saint Pierre d’Ancenis)

Il est né à Dieuze (Moselle) en Lorraine le 23/1/1874 à une époque où Dieuze est devenue une commune allemande. C’est le fils de Lyon Bernard et de Mathilde Liebschütz. dieuze_la_synagogueLa communauté juive de Dieuze est suffisamment importante pour que l’on y construise une synagogue (voir photo)

Le rattachement des départements de la Moselle, du Bas et du Haut-Rhin, à l’Empire allemand date de 1871 (Traité de Francfort). En 1872 les Alsaciens-Lorrains ont dû opter pour la nationalité française, et donc s’installer en France lorsqu’ils désiraient rester Français.

Quel choix a fait sa famille ? Quel choix a t-il fait et quand ?

Les archives de Moselle conservent deux dossiers sur la détermination de nationalité entre 1871 et 1889 (qu’il faudrait consulter sur place car ils ne sont pas en ligne).

Max se dit Français depuis plusieurs générations (voir la fiche qu’il envoie au préfet)…et il a participé à 40 ans à la Grande guerre pendant cinq campagnes. Il est décoré et fait « chevalier de la Légion d’honneur-classe 1894 » (les archives de la Légion d’honneur en ligne sont incomplètes ; celles que nous avons pu consulter ne le mentionnent pas).P1010749

Il est retraité. Nous ignorons sa profession.

L’Etat-civil d’Ancenis mentionne son décès «  Le seize avril mil neuf cent quarante quatre, deux heures est décédé boulevard Pasteur : Marx Bernard, sans profession, domicilié à Ancenis, rue Saint Paul… » L’adresse est probablement celle de l’hôpital d’Ancenis. On peut soupçonner les conditions de dénuement et de solitude de Max Bernard car le décès est déclaré par Jean Audfray, secrétaire du bureau de Bienfaisance d’Ancenis. Le maire d’Ancenis, le docteur Georges Bousseau qui signe l’acte, mentionne lui aussi sa décoration « Chevalier de la Légion d’honneur ».

Sarah Lévy : Epouse Bernard, habite avec son époux 47 rue Saint Paul à Ancenis(voir photo).rue_saint_paul_Ancenis0001

Elle est  née à Dannemarie (Haut Rhin) en Alsace le 16/7/1880, commune alsacienne alors allemande. C’est la fille de Marc Lévy et d’Henriette Sommer.

Sans profession

L’Etat-civil d’Ancenis mentionne son décès « Le treize octobre mil neuf cent quarante et un, quinze heures trente minutes ; est décédée en son domicile 47 rue Saint Paul : Sarah Lévy, sans profession.. ». L’acte est dressé « sur déclaration du mari de la défunte ; soixante sept ans, retraité à Ancenis » et il est signé par le maire d’Ancenis, le docteur Georges Bousseau sans autre ajout.

Les époux Bernard, Anceniens de fraîche date …

Ils ne sont pas mentionnés dans la liste du recensement d’Ancenis de 1931.

Quand se sont-ils réfugiés sur les bords de Loire ? Dès 1939 ?

D’où viennent-ils ? D’Alsace-Lorraine ? D’ailleurs en France? Après la défaite française de 1940, les départements d’Alsace-Moselle sont annexés « de fait » au Reich et sont incorporés dans le Gau Westmark. Les habitants sont évacués par les Français en 1939 tandis que ceux qui restaient sont expulsés, en novembre 1940, par l’armée allemande…

Les Bernard ont-ils acheté cette maison ?

La succession de Max Bernard est mentionnée dans «  La table alphabétique des successions et des absences » (ADLA 1942-1947).Le renvoi de l’inventaire en 1945 mentionne 70 000frs ( ?) de mobilier.

Dès le 28 octobre 1940, Max Bernard se signale au préfet « J’ai l’honneur de vous informer que ma femme et moi sommes de religion juive mais de familles françaises depuis plusieurs siècles » (ADLA 1694 W art 21).

La réponse du préfet est sans appel : sa qualité de citoyen français ne le protège pas, pas plus qu’avoir été un bon patriote et un valeureux soldat. P1010734Les services du préfet apposent le tampon « Juif » sur sa fiche et il est officiellement recensé (voir photo).

En 1942 l’adjudant M. de la section d’Ancenis dans sa lettre au chef d’escadron de gendarmerie de Nantes du 27 juillet confirme que Max Bernard, veuf, porte «  l’insigne » (ADLA 1694 W 25). Cet homme âgé, obligé à la plus grande discrétion, est soudain devenu« visible », désigné comme Juif. Le port de l’étoile jaune s’accompagne, selon l’ordonnance du 7 juin 1942, de l’interdiction d’accéder aux principaux lieux publics (interdiction d’entrer au cinéma etc.). Les Anceniens, qui pouvaient imaginer qu’ils n’étaient pas concernés par la traque des Juifs, sont soudain confrontés à cette réalité…cette visibilité a pu entraîner de la gêne, du rejet, et sans doute aussi des sympathies.

Nous n’avons trouvé aucun témoignage !

Les époux Bernard n’ont pas été déportés. Max Bernard n’a pas été arrêté au moment des dernières rafles au début de l’année 1944 et il est décédé à Ancenis de mort naturelle.

Ont-ils été protégés ?

Le dernier rapport de l’adjudant M.qui donne des détails sur les Juifs d’Ancenis est par ailleurs très troublant (ADLA). Il s’agit  d’une réponse à la lettre du préfet datée du 21 juillet 1942 ayant pour objet « la surveillance des Juifs ». Le rapport  a été rédigé « d’après les renseignements recueillis dans les mairies des communes de la section ». Or cette lettre est truffée d’erreurs, c’est le cas par exemple de l’adresse de Max : « Il résulte qu’il n’y a actuellement résidant sur le territoire de la section que le juif : BERNARD Max. Cet israélite réside n°7 rue St-Paul à Ancenis ». Ces erreurs émanant de la mairie, mais curieusement non vérifiées ensuite, sont peut-être volontaires… Des renseignements erronés ne facilitaient pas une arrestation !

Armand COTRON et Catherine GADEAU

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Commentaires
D
intéressée par votre article et à la recherche d'information autour du Docteur Bousseau et autour de la dernière guerre mondiale, j'aimerais être contactée par les auteurs de cet article.<br /> <br /> Mme Aline Dupeyrat
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