La Shoah est un événement difficile à penser

La Shoah est un événement incompréhensible, un événement difficile à penser.

L’événement était impensable avant qu’il n’advienne, même pour les plus pessimistes, et on a mis trente ans à en prendre la mesure exacte, puisqu’il a fallu attendre les années 1970-80.

Un génocide étatisé, bureaucratisé, industrialisé !

L’émotion nous submerge et le devoir de mémoire s’impose.

Mais le devoir de mémoire ne suffit pas, il faut essayer de comprendre ce qui a permis d’en arriver là ; car si l’histoire de la Shoah est sans précédent, ce n’est pas un événement sans racines (je cite ici de mémoire Georges Bensoussan)…il y a donc bien aussi un devoir d’Histoire.

Le retour vers les racines du désastre permet de mettre en lumière l’antisémitisme de la fin du XIXème et de la première moitié du XXème siècle, ainsi que l’eugénisme qui a ouvert la voie à la persécution des handicapés et de tous ceux qui seront considérés comme inutiles.

Le retour sur les racines ne doit pas non plus éluder l’antijudaïsme chrétien qui a habitué les esprits formés par le catéchisme au rejet des Juifs.

Hitler met en place les persécutions antijuives dès 1933.

Pour les nazis, les Juifs ne sont pas des êtres humains.

Par ailleurs Sebastian Haffner a très précisément décrit dans « Histoire d’un Allemand- souvenirs 1914-1933» l’esprit de camaraderie, le mécanisme du groupe, qui a permis le crime collectif.

L’exclusion mène rapidement des premiers camps de concentration à la destruction des Juifs d’Europe pendant la guerre : L’enfermement dans les  ghettos, les exécutions des Einsatzgruppen et, après Wannsee en 1942, les camps d’extermination où le crime de masse s’organise de façon industrielle.

Le crime de masse, devenu possible, a bousculé les digues élevées par la civilisation des Droits de l’Homme, et a basculé dans une transgression qui nous plonge dans l’effroi.

La Shoah est une catastrophe pour les Juifs mais c’est en même temps une catastrophe universelle et elle porte en elle la potentialité de son recommencement ainsi que l’écrit Jean Cayrol à la fin du beau texte « Nuit et brouillard » lorsqu’il nous met en garde contre la venue des nouveaux bourreaux « ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre ? ».

Catherine Gadeau